Audit du rapport CSRD : CAC ou OTI ?

[et_pb_section fb_built= »1″ _builder_version= »4.25.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »][et_pb_row _builder_version= »4.25.1″ _module_preset= »default » custom_padding= »40px||||| » global_colors_info= »{} »][et_pb_column type= »4_4″ _builder_version= »4.25.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »][et_pb_text _builder_version= »4.25.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »]

Cet article synthétise un travail de plusieurs mois réalisé progressivement pour mes clients. Il explique les différences entre CAC et OTI pour choisir l’auditeur du rapport de durabilité – dans le contexte de la directive CSRD.

 

[/et_pb_text][et_pb_image src= »https://ycompris.com/wp-content/uploads/2024/06/CAC-ou-OTI.jpg » alt= »CSRD. Choisir le rapport de durabilité. » title_text= »CAC ou OTI » _builder_version= »4.25.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »][/et_pb_image][et_pb_text _builder_version= »4.25.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »]

La CSRD impose la désignation d’un vérificateur légal du rapport de durabilité. Le rapport doit être publié dès 2025 par les entreprises d’intérêt public : entreprises cotées de plus de 500 salariés, banques, assurances… Quant aux ETI et grandes entreprises non cotées, elles publieront l’information de durabilité en 2026. Ainsi plus de 6000 groupes ou sociétés doivent désigner le vérificateur légal, qui peut être un commissaire aux comptes (CAC) ou un organisme tiers indépendant (OTI). Quelles sont les différences entre CAC ou OTI ?

Rapports financiers et non financiers : deux rapports d’importance équivalente

On considère à juste titre le CAC comme un professionnel du chiffre, puisqu’il vérifie la sincérité et la régularité des états financiers des entreprises. D’ailleurs, il est souvent titulaire du diplôme d’expertise comptable. Or le commissaire aux comptes est également un professionnel du droit, comme le rappelle le Ministère de la Justice. Avant d’exercer sa profession, il prête serment devant la cour d’appel dont il relève de « remplir les devoirs de sa profession avec honneur, probité et indépendance, respecter et faire respecter les lois » (L821-23).

Normalisation du rapport de durabilité

En plus du rapport financier obligatoire, l’ordonnance du 6 décembre 2023, transposant la directive européenne CSRD, a imposé la publication par les entreprises, en fonction de leur taille, d’informations en matière de durabilité. Ainsi, le législateur a positionné le rapport de durabilité à un niveau d’importance équivalent à celui du rapport financier. Plus précisément, les deux rapports:

  • engagent l’entreprise et leur dirigeant et les exposent aux mêmes sanctions administratives et pénales
  • doivent se conformer à des normes spécifiques
  • doivent être certifiés par un vérificateur indépendant
  • sont intégrés au rapport de gestion, ou document d’enregistrement universel pour les sociétés cotées.

Enfin, le vérificateur du rapport financier et le vérificateur du rapport de durabilité relèvent de la même autorité publique indépendante : la Haute autorité de l’audit (ou H2A), créé par la même ordonnance.

Naissance d’une nouvelle profession réglementée

Si le contrôle des états financiers est la prérogative du seul CAC, le législateur a souhaité ouvrir la vérification du rapport de durabilité à une nouvelle profession réglementée créée par l’ordonnance du 6 décembre. Par ce choix, la France montre une préoccupation partagée avec l’Union européenne.

Extrait de la CSRD

« Il existe un risque de concentration accrue du marché de l’audit, qui pourrait compromettre l’indépendance des contrôleurs des comptes et faire augmenter les honoraires d’audit ou les honoraires concernant l’assurance de l’information en matière de durabilité. Compte tenu du rôle essentiel que jouent les contrôleurs légaux des comptes lorsqu’ils procèdent à l’assurance de l’information en matière de durabilité et lorsqu’ils garantissent la fiabilité des informations en matière de durabilité, la Commission a annoncé qu’elle prendrait des mesures pour améliorer encore la qualité des audits et créer un marché de l’audit plus ouvert et plus diversifié, conditions d’une bonne application de la présente directive modificative. En outre, il est souhaitable d’offrir aux entreprises un plus large choix de prestataires de services d’assurance indépendants pour l’assurance de l’information en matière de durabilité. »

(Texte de la Directive CSRD 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil – paragraphe 61)

L’auditeur = personne physique | OTI = entreprise

On parle de « auditeurs des informations en matière de durabilité » pour désigner la personne physique qui appose sa signature au terme de la vérification du rapport de durabilité, lorsqu’il ne s’agit pas d’un CAC. On parle de « organisme tiers indépendant » ou OTI pour désigner la personne morale à laquelle est rattaché le vérificateur personne physique (non CAC). L’OTI doit être accrédité par le Cofrac (Comité français d’accréditation). L’OTI et l’auditeur sont tous les deux soumis au code de déontologie des commissaires aux comptes (L822-7).

[/et_pb_text][et_pb_text _builder_version= »4.25.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »]

Comparaison: entre auditeurs CAC et OTI

 

CAC auditeur du rapport de durabilité Auditeur du rapport de durabilité non CAC
Conditions pour être habilité à auditer le rapport de durabilité en 2025

Avoir validé une formation de 90 heures agréée par la H2A

Inscrit sur la liste H2A des auditeurs de durabilité et des CAC

Être titulaire d’un master reconnu par le Ministère de la Justice.

Avoir validé une formation de 90 heures agréée par la H2A

Inscrit sur la liste H2A des auditeurs de durabilité

Doit être dirigeant, associé ou salarié d’un OTI

Devoirs de l’auditeur

Autorité de contrôle : H2A

Code de déontologie de la CNCC : indépendance, impartialité, intégrité…

Respect des normes d’exercice professionnel (CNCC)

Tenu au secret professionnel

Doit révéler les faits délictueux

Autorité de contrôle : H2A

Code de déontologie de la CNCC : indépendance, impartialité, intégrité…

Respect des normes d’exercice professionnel (CNCC)

Respect de la norme ISO 17029 d’évaluation de la conformité

Tenu au secret professionnel, y compris vis-à-vis de sa hiérarchie

Doit révéler les faits délictueux même si l’auditeur est avocat (1)

Devoir de l’entreprise cliente

Désigner en assemblée générale ordinaire pour un mandat normal de 6 ans

Convoquer aux AG, réunions du conseil d’administration, directoire, conseil de surveillance

Doit communiquer toute information demandée lors du contrôle

Ne peut opposer le secret à une demande d’information

Désigner en assemblée générale ordinaire pour un mandat normal de 6 ans

Convoquer aux AG, réunions du conseil d’administration, directoire, conseil de surveillance

Doit communiquer toute information demandée lors du contrôle

Ne peut opposer le secret à une demande d’information

 (1) Avec ses clients l’avocat est tenu au secret professionnel (Barreau). Mais quand il audite le rapport de durabilité, son obligation de secret d’avocat est levée vis-à-vis du client audité et il est tenu au secret pro (CNCC) Et il doit dans ce cas révéler les faits délictueux. (L822-2) En conséquence il ne peut être l’avocat du client dont il audite le rapport de durabilité…

Comparaison: sociétés CAC et OTI

 

Société de CAC OTI
Conditions

Inscrite sur la liste H2A des CAC

Majorité des droits de vote détenue par des CAC

Dirigé par un ou des CAC

La majorité des membres des organes de gestion sont CAC

Inscrit sur la liste H2A des OTI

Devoirs Autorité de contrôle : H2A Autorités de contrôle : H2A et Cofrac

 

[/et_pb_text][et_pb_text _builder_version= »4.25.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »]

Eléments à prendre en compte dans le choix du vérificateurs

Deux professions aux prérogatives considérables

Qu’il soit CAC ou OTI, le vérificateur du rapport de durabilité cumule de nombreuses prérogatives. Et il porte sur ses épaules d’immenses responsabilités. En particulier si l’on fait le parallèle avec le système judiciaire, le vérificateur cumule plusieurs rôles dans la première instance du domaine administratif:

  • Procureur : il décide du périmètre de son contrôle. Il peut modifier le périmètre du contrôle en cours de mission pour procéder à des vérifications supplémentaires, au frais de l’entreprise contrôlée.
  • Policier : il est libre dans le choix des procédures de contrôle, incluant par exemple la taille de l’échantillon, la liste des personnes interrogées dans l’entreprise
  • Juge : il interprète seul les normes ESRS.

La publication de normes européennes d’audit du rapport de durabilité, attendues d’ici octobre 2026, permettra d’homogénéiser les procédures de contrôle, notamment d’un pays de l’UE à l’autre. D’ici là une note technique du H3C, qui précédait la H2A jusqu’en 2023, donne quelques indications sans préciser la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui doit être sanctionné par l’auditeur.

Le vérificateur doit avoir la capacité de porter un jugement professionnel

Année après année, sans jamais être son conseil, l’auditeur va éclairer l’entreprise et l’orienter par ses avis, ses questions, ses observations. Il va l’amener à évoluer vers des pratiques plus durables. Donc même si l’exercice introduit une contrainte au départ, l’entreprise autant que son environnement en deviendront plus durables à la fin.

Pour cela, qu’il soit CAC ou OTI, le vérificateur doit être en mesure de porter un jugement professionnel. C’est pourquoi il est invité à s’entourer d’experts disposant des compétences nécessaires et suffisantes et qui vont bien au-delà de la maîtrise des processus et des systèmes de contrôle, qui ont fait la réputation des CAC. Car le vérificateur (son équipe) doit être suffisamment éclairé sur la durabilité pour questionner les impacts, risques et opportunités identifiés par l’entreprise dans son analyse, ou pour évaluer si les plans d’actions sont cohérents par rapport aux objectifs.

Exemple du travail de nuit massif dans la chaîne de valeur (ESRS S2)

Ainsi si l’entreprise n’a pas jugé important de communiquer sur ses impacts sur les travailleurs de sa chaîne de valeur, l’auditeur peut lui faire observer qu’un de ses fournisseurs essentiels utilisent massivement le travail de nuit. Or le travail de nuit a des conséquences massives sur la santé, les accidents du travail, la durée de vie, les structures familiales, la réussite scolaire, la délinquance…

Exemple des émissions de CO2 liés aux usages des EnR (ESRS S1)

Supposons l’entreprise, dont les unités de production fonctionnent à peu près 24h sur 24, qui prévoie dans son plan de transition énergétique le passage à 100% d’énergies renouvelables (éolien et solaire) d’ici 2030. A ce moment, l’auditeur doit savoir objecter que, en cas de défaut de vent et de soleil, son client est bien obligé de s’approvisionner auprès d’une centrale thermique, qui prend automatiquement le relai. Dans ce cas, EnR ne rime pas avec zéro émission.

Faites entrer les experts

L’entreprise doit garder en mémoire que le rapport de durabilité une fois publié, même s’il a été certifié, peut être exploité par ses concurrents ou tout autre opportuniste plus ou moins bien veillant. Or le rapport couvre un domaine extrêmement large et technique. Et l’étendue des compétences couverte par les équipes du vérificateur du rapport de durabilité, celles qui auditent sur le terrain, doivent être au niveau.

Transformer les modèles d’affaires du CAC

Si le contrôle des comptes fonctionne avec des consultants plutôt jeunes à la tête bien faite (notamment chez les bigs), le contrôle du rapport de durabilité requiert visiblement plus d’expertises. Le modèle de la firme pluridisciplinaire (audit, conseil, fiscalité, gestion des risques, M&A) des quatre grands réseaux est taillé pour l’audit et le conseil financier. Et sa réussite est remarquable. D’ailleurs, les Big Four totalisent au niveau mondial en 2023:

  • plus de 200 milliard de dollars de chiffre d’affaires 
  • près de 1,5 million de salariés

La transformation de ces « accounting firms » pour intégrer la RSE à grande échelle pose un défit de taille. Car les ingénieurs expérimentés spécialistes du vivant ne sont pas des analystes sortant de l’école. Aussi le mode de gestion doit s’adapter pour limiter l’attrition des salariés. Alors comment mobiliser les associés des différents pays dans le changement alors que l’activité financière connait une croissance à deux chiffres? N’est-ce pas prendre le risque de casser le modèle d’affaires? De l’autre côté, comment résister à la tentation de doubler ou tripler l’activité avec la RSE tant le le législateur laisse faire?

Ou nouer des partenariats stratégiques

D’autres réseaux de CAC, notamment des cabinets de taille intermédiaire, ont fait le choix d’intégrer la RSE dans leur modèle actuel et de s’allier à d’autres métiers (OTI, avocats, experts RSE, ingénieurs de l’eau ou du vivant…) pour répondre ensemble à des appels d’offres, y compris de sociétés cotées.

Un même CAC peut vérifier les deux rapports pour le moment

La législation française actuelle autorise l’entreprise à désigner le même CAC pour vérifier son rapport financier et son rapport de durabilité, avec des mandats distincts.

1 CAC pour 2 rapports reste-t-il indépendant?

Toutefois, il est raisonnable de considérer que ce type de pratique sera interdite à l’avenir pour renforcer l’indépendance des deux vérificateurs. Car cette indépendance s’apprécie dans les apparences autant que dans les faits. Et, en l’état, les apparences ne permettent pas d’évacuer tout risque de dépendance:

  • Si la même personne vérifie les deux rapports, elle est nécessairement influencée, dans son appréciation du rapport de durabilité, par le jugement qu’elle porte sur les comptes et vice versa.
  • Si les deux vérificateurs sont deux associés au sein du même réseau de firmes d’audit, la dépendance est encore plus évidente: les parties prenantes qui prennent connaissance des avis ignorent si la nature des relations entre les associés (relations de pouvoir, d’influence, d’autorité) a pu influencer l’avis sur l’un ou l’autre rapport et elles seraient légitimes à les contester.

Coordination des deux vérificateurs

Pour autant, il est indispensable que les deux auditeurs collaborent en échangeant des informations. Par exemple l’auditeur du rapport de durabilité s’appuie sur les données comptables pour la taxonomie européenne: on ne peut pas avoir deux données différentes dans deux rapports. La bonne coopération est un prérequis à la bonne réalisation des deux missions d’audit. Or les auditeurs sont aussi des hommes et femmes d’affaires: à partir du moment où on détient un mandat, on peut être tenté de chercher à obtenir l’autre, négligeant peut-être un peu la confraternité. Ce risque de défaut de coopération entre auditeurs est préjudiciable au client et à la société.

Séparation des vérificateurs

La logique voudrait que l’on s’oriente vers l’obligation de confier chacun des mandats à deux réseaux indépendants:

  • la vérification du rapport financier à un CAC
  • la vérification du rapport de durabilité à un autre réseau de CAC ou à un OTI

Comment se déroulera l’audit du rapport de durabilité?

Il y a un éléphant dans la pièce de la CSRD: nous avons collectivement un immense problème de compétences. Et ce problème est vrai à tous les niveaux de la chaîne de production du rapport de durabilité:

  • Au niveau des entreprises. Les dirigeants peinent à trouver le temps de lire les normes ESRS, qui cadrent la production et le contenu du rapport de durabilité.
  • Au niveau des consultants et formateurs. Parmi eux, ceux qui sont formés l’ont fait par eux-mêmes avec les moyens du bord.
  • Au niveaux des (apprentis) auditeurs du rapport de durabilités. Nous sommes les premiers à suivre une formation homologuée par le H2A et dispensés soit par la CNCC, soit par l’Afnor et l’Apave. Elles ont démarré en décembre 2023.
  • Au niveaux des autorités. Le H2A, le Cofrac, l’AMF, l’ACPR… produisent un travail colossal pour se coordonner, se forger une première vision commune, y compris entre tous les pays de l’Union européenne. 
  • Au niveau du normalisateur. L’EFRAG diffusera les normes sectorielles progressivement à partir de 2026. Et les normes d’audit sont attendues à la même période.
  • Au niveau politique. A moins d’un mois de la date limite de transposition de la CSRD en droit national (6 juillet 2024), plusieurs pays de l’UE sont toujours au stade de la consultation des entreprises et n’ont pas légiféré.

D’un autre côté, considérons les rapports financiers. Combien de temps nous faudra-t-il pour constituer l’outil industriel qui permettra de disposer d’un rapport extra financier de qualité équivalente? En effet, rappelons quelques chiffres pour la France concernant la production du rapport financier:

  • 21 600 experts comptables
  • 11 200 CAC
  • 170 000 collaborateurs dans les cabinets d’expertise – sans compter les comptables, contrôleurs de gestion, contrôleurs internes… en entreprise
  • 160 000 étudiants actuellement en cursus de comptabilité ou de gestion

Dans ce contexte, on peut raisonnablement faire l’hypothèse que la qualité du rapport de durabilité et les exigences de l’auditeur ne pourront qu’aller crescendo. 

Je me tiens à votre écoute sur ces questions.

[/et_pb_text][/et_pb_column][/et_pb_row][/et_pb_section]